Vous l’attendiez avec impatience ! Voici l’article de mes coups de cœur de l’année 2023, pour les livres cette fois-ci. Une année plutôt satisfaisante, car je trouve que je deviens de plus en plus exigeante. Une seule chose est sûre, mon intérêt pour la soft science-fiction se confirme à travers beaucoup de coups de cœur qui s’y apparentent.

L’empire de la douleur de Patrick Radden Keefe

L'empire de la douleur de Patrick Radden Keefe

Longtemps, la famille Sackler a été saluée pour ses activités philanthropiques. Or ce mécénat colossal servait à masquer son rôle à la tête d’un empire pharmaceutique tentaculaire, responsable de l’un des plus gros scandales sanitaires de l’Histoire : la crise des opioïdes.

Pour comprendre ce désastre, il faut remonter au début du XXe siècle, quand trois frères issus d’une famille juive désargentée de Brooklyn créent une agence de publicité qui va révolutionner le marketing lié à la santé. Leur premier exploit ? Rendre toute la génération d’après-guerre accro au Valium.
Dans les années 1990, les Sackler vont encore plus loin. Surfant sur une nouvelle approche de la prise en charge de la douleur, ils mettent au point l’OxyContin, un « remède miracle » lancé à grand renfort de communication, qui va leur assurer des revenus exceptionnels.
Jusqu’à ce que la vérité éclate : addiction, surdosage, trafic, et une vague d’overdoses sans précédent… Comment, en dépit des alertes répétées des médecins, les Sackler ont-ils pu nier la dangerosité de leur produit ? Comment ont-ils réussi à passer entre les gouttes judiciaires pendant toutes ces années ?

Patrick Radden Keefe offre une fois de plus une enquête foisonnante sur une histoire complexe. Si la crise des opioïdes a été mille fois abordées, il choisit de l’analyser à l’angle de l’histoire des Sackler. Une famille discrète sur d’où vient sa quantité astronomique d’argent mais bien plus ouverte à afficher son soutien philanthrope des arts. Comment expliquer une telle dissonance entre leur responsabilité dans la crise des opioïdes et leur volonté de s’éloigner de garder leur nom loin de leur entreprise ? L’auteur construit une suite de portraits de caractère autour de membres clés des Sacklers pour mieux comprendre comment les drames ont pu arriver, mais aussi du système de santé États-uniens et de la place du marketing et de méthodes de ventes agressives. En somme, c’est un roman fascinant qui se lit presque comme un thriller.

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Kushiel, tome 1: La marque de Jacqueline Carey

Kushiel, tome 1: La marque de Jacqueline Carey

Phèdre nó Delaunay porte la marque de Kushiel, qui lui vaut d’éprouver à jamais le plaisir dans la souffrance. Enfant, elle a été vendue à un noble qui a su reconnaître chez elle ce don cruel, et elle est devenue depuis la plus convoitée des courtisanes… ainsi qu’une espionne exceptionnelle. Lorsqu’elle découvre le complot qui pèse sur sa patrie, Phèdre se lance dans une aventure épique et déchirante, semée de trahisons, et qu’il lui faudra mener jusqu’au bout pour sauver son peuple.Laissez-vous séduire par un monde vénéneux peuplé de conspirateurs, de monarques assiégés et de seigneurs de guerre barbares… et surtout par Phèdre, une héroïne hors du commun.

Un premier tome à la hauteur de sa réputation ! Entre espionnage, politique et conflits, La marque met en scène un univers fascinant, proche de l’uchronie. L’intrigue ne souffre d’aucune longueur, au contraire. Les péripétie sont nombreuses, nous menant de voyages en combats, de trahisons en négociations. Le tout est mis en avaleur par une plume d’une grande qualité. Jacqueline Carey offre un texte fluide qui jouit d’un sens exceptionnel de la mesure : juste ce qu’il fait de descriptions, d’actions et d’introspection. Enfin, elle crée également une galerie de personnages aux caractères et motivations qui leur sont propres, apportant nuance et complexité à chacun d’eux, antagonistes comme protagonistes.

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Le serpent du rêve de Vonda McIntyre

Le serpent du rêve de Vonda McIntyre

Sur une planète étrange et désolée, Serpent, une guérisseuse parcourt le désert en pratiquant son art à l’aide de trois serpents génétiquement modifiés capables de sécréter des remèdes en guise de venin. Dans un village, alors qu’elle soigne un jeune garçon, un habitant tue le plus rare de ses reptiles. Mutilée dans ses capacités, Serpent doit alors se mettre en quête d’un autre serpent du rêve, de sa propre guérison comme de celle du monde. 

J’ai beaucoup apprécié la découverte de cette intégrale ! Vonda McIntyre déploie une plume empathique et sensible pour décrire un monde en lambeaux. Si l’humanité a régressé pour des micro-sociétés parfois tolérant l’esclavage ou les injustices, elle allume l’espoir grâce à des personnages animés d’une énergie vitale hors normes. Ce sont souvent des femmes. L’autrice en construit des portraits saisissants, entre failles et forces, mais toujours avec un grand sens de l’aide, de la détermination et une volonté de fer. Il est dès lors compréhensible que l’un se ses personnages les plus marquants soit une guérisseuse. Elle propose donc une science-fiction délicate, tournée vers l’introspection.

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Rossignol d’Audrey Pleynet

Rossignol d'Audrey Pleynet

Lointain futur. Espace profond. Plus qu’une prouesse technologique, la station est une expérience. Politique, sociale, économique, philosophique. Ainsi, au sein de ce gigantesque assemblage minier peuplé d’espèces venues de tous horizons, les stationniens se définissent moins en fonction de leurs origines que de leurs pourcentages génétiques. Melting-pot utopique, la station offre de fait un refuge de tolérance unique au coeur de la Galaxie ― une vie en symbiose gérée par les Paramètres qui adaptent l’environnement aux différentes morphologies, aux contraintes physiques, à toutes les essences du vivant. Ou du moins offrait… De profonds désaccords entre les Spéciens, favorables à la séparation interespèce, et les Fusionnistes, qui rouvrent pour davantage de métissage, cristallisent les tensions. Au milieu de ces courants qu’elle ne maîtrise pas, une femme, stationnienne insignifiante, va devoir choisir son camp, et par là même, peut-être, peser sur le devenir de la station et sa myriade d’habitants.

La novella est un texte intelligent sur un thème d’actualité. Rossignol pose la question du vivre ensemble, mais de manière extrême en mettant en scène un environnement adaptable capable d’accueillir une grande variété d’espèces, mais un fragile écosystème mis en danger par les velléités de pureté de certains individus. Audrey Pleynet met en scène un univers vaste en peu de pages, admirable mais qui pourra parfois perdre le lecteur. Une prouesse réalisée en partie grâce à la narration éclatée, qui permet d’alterner entre passé et présent pour bien comprendre le cheminement de la narratrice, qui se tient en équilibriste entre les différentes parties en conflit. Mais l’apparente complexité est transcendée par un message universel porteur d’espoir, bien exécuté, sur l’Amour sous toutes ses formes, celui qui transcendent les différences, le temps et les générations.

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Xenogenesis tome 1 : l’aube d’Octavia E. Butler

Xenogenesis tome 1 : l'aube d'Octavia E. Butler

La Terre a été dévastée par une guerre nucléaire. Les humains ont été sauvés par un peuple extraterrestre, les Oankali, qui les ont emmenés dans leur vaisseau spatial. Parmi les survivants se trouve Lilith Lyapo, endormie depuis plusieurs siècles et qui se réveille à peine. Les Oankali acceptent de faire revenir les humains sur Terre à condition qu’ils conçoivent un enfant hybride.

Un roman rare, d’une grande sensibilité et d’une grande finesse. Octavia Butler aborde la thématique de l’altérité et de la survie de l’humanité à travers l’histoire de Lilith. Lilith est une figure forte, partagée entre la méfiance et son empathie pour les oankalis, une race bienveillante mais ambiguë, constamment dans une forme de manipulation, de domination, douce. Le personnage principal est désigné comme le chef, mais sa position révèle vite les affres de l’humanité, profondément violente, posant la question de la nécessité de la conserver comme elle est.

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Agrapha de Luvan

Agrapha de Luvan

À l’origine fut un manuscrit du Xe siècle. Apocryphe, peut-être pas. À l’origine furent huit femmes, chacune venue d’un lointain horizon, unies dans une grotte au cœur de la forêt. Ensemble, elles racontent ou taisent leur vie de recluses, leur destinée loin du monde et pourtant si proche de lui. Elles parlent mille langues en une seule, mêlant leur âme en un poème morcelé que l’autrice ensuite cimente d’or et de miel. Et de cette tresse de mots naîtra l’apocalypse. Dans ses cahiers, l’autrice a minutieusement recousu l’histoire de cette constellation féministe, désormais sanctuaire que le temps s’est chargé d’éroder. Mais son enquête se dilue avec sa mémoire. Les souvenirs se troublent : n’est-ce pas elle, cette entité manquante, la neuvième femme ayant appartenu à ce clan d’illuminées radieuses ? A-t-elle réellement écrit ces fragments aux côtés de ses sœurs d’antan ? Il subsiste de leurs existences des traces indicibles que seule l’écriture parvient à faire rejaillir. Parmi les odeurs d’écorces et les accents d’anciens parlers, c’est à l’aube de l’an mil qu’irradient le vécu de ces femmes et leur puissance épiphanique.

Une lecture aux textures singulières. Agrapha nous entraîne dans un Moyen-Âge de femmes, parmi des femmes saintes qui vivent en communauté isolée. Mais le roman nous entraine dans un jeu de traductions, entre rêve et réalité. J’ai beaucoup aimé le mélange de langues dans le texte, qui donne aux écrits un rythme et une identité unique. C’est magnifiquement écrit, onirique et mystérieux, mais aussi difficilement descriptible. D’où le titre, Agrapha, ce qui ne s’écrit pas, qui n’est pas écrit ou qui ne doit pas etre écrit. Les textes jouent beaucoup sur la multiplicité des sens, mais aussi sur les non-dits. Ce qui est visible à travers la forme, puisque le roman se plait à retranscrire les matières des parchemins, jouent avec les ratures, les réécritures, pour fournir un curieux objet, sur le fond comme sur la forme.

Ils ont failli faire partie de mes coups de coeur, voici les mentions honorables :

Borne de Jeff Vandermeer, de la weird fiction comme on aime, cryptique, poétique et cruelle.

Les somnambules de Chuck Wendig, un roman horrifique qui mêle avec talent beaucoup d’inspirations

Betty de Tiffany McDaniel, un roman touchant sur une famille dysfonctionnelle, entre secrets et nature

Catégories : Littérature

7 commentaires

L'ourse bibliophile · 14 janvier 2024 à 10 h 25 min

Beaucoup de titres que je ne connais pas, mais tu attires mon attention sur Le serpent du rêve. Ce que tu en dis attire mon attention et me laisse penser que ça pourrait me plaire. De même Agrapha semble être un titre pour le moins original, je le note !
Quant à Rossignol et Octavia Butler, ils sont déjà dans ma WL et peut-être les lirai-je en 2024 !

    La Geekosophe · 15 janvier 2024 à 14 h 19 min

    Le serpent du rêve et Agrapha valent le détour quand on cherche des lectures de l’imaginaire uniques en leur genre 😉

      L'ourse bibliophile · 15 janvier 2024 à 19 h 44 min

      C’est totalement ce que je recherche, ça me semble donc être des recommandations parfaites ! Merci !

        La Geekosophe · 16 janvier 2024 à 23 h 30 min

        Borne est aussi une expérience très particulière en matière d’imaginaire 😉

          L'ourse bibliophile · 18 janvier 2024 à 21 h 31 min

          C’est bon à savoir, merci !

Shaya · 20 janvier 2024 à 10 h 31 min

On a Rossignol et le Butler en commun 🙂 J’ai également le serpent du rêve en stock, mais pas encore lu. Je ne doute pas trop que ça me plaira vu mon appréciation de Loué soit l’exil.

    La Geekosophe · 21 janvier 2024 à 22 h 52 min

    Ha que de bonne SF 😀 Hâte d’avoir ton avis sur Le serpent du rêve

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